
Les constats

En tant qu'Educateur Spécialisé, j'ai fait le constat à travers mon expérience de terrain et les retours des personnes accompagnées, que l'organisation des politiques sociales et leurs mises en œuvre sur notre territoire ne permettent pas à chacun de trouver une réponse adaptée aux besoins.
1. Les politiques sociales
Le secteur social se réorganise depuis les lois de décentralisation de 1982, du 2 janvier 2002 réformant l'action sociale et médico-sociale et la réforme de la protection de l'Enfance du 5 mars 2007. Désormais c'est le département qui est en charge d'organiser les politiques sociales sur son territoire.
Il y a quelques années encore le secteur social pouvait à partir de son expertise, construire un projet pour répondre aux besoins repérés, aujourd'hui les institutions dépendent des financeurs. Les moyens pour créer, être novateur ou pour tout simplement permettre à une institution ou un service de fonctionner normalement sont en baisse. Les places d'hébergements d'urgence se réduisent et le travail d'accompagnement vers l'insertion sociale et professionnelle est secondaire tant les demandes sont nombreuses et qu'il faut répondre à l'urgence des situations de plus en plus précaires. La protection de l'Enfance n'est pas en reste avec une augmentation constante des mesures et des moyens qui tardent à arriver, les professionnels peuvent accompagner plus de trente mesures, ce qui entre l'enfant, ses parents parfois séparés, la famille d'accueil ou l'institution, les partenaires (écoles, CMPP, services à domicile...) ne permet pas de mettre en oeuvre un accompagnement de proximité. Je profite ici de saluer leurs dévouements et leurs engagements sans quoi la qualité des accompagnements en serait encore plus affectée.
Nous percevons également des modifications dans les postes des professionnels où les Techicienn(e)s de l'Intervention Sociale et Familiale sont à des fonctions de Moniteur(rice) Educateur(rice) et ce(tte) dernier(e) à des fonctions d'Educateur Spécialisé. Pourtant ces professionnels ont des compétences propres clairement identifiées pour répondre aux besoins des personnes accompagnées. Ce glissement semble là encore opérer dans un intérêt financier.
La vigilance à avoir est encore à l'oeuvre sur la dernière réforme du gouvernement et de la commission professionnelle consultative du travail social et de l'intervention social. En effet cette dernière envisage un diplôme commun pour cinq professions du travail social (Educateur(/trice) Spécialisé(e), Assistant(e) de Service Social, Conseillère en Economie Sociale et Familiale, Educateur(/trice) de Jeunes Enfants, Educateur(/trice) Technique Spécialisé). Cette uniformisation du diplôme serait la perte des spécificités de chacun. Nous n'avons pas fait les mêmes formations car nous avons eu au départ des sensibilités différentes. Nos formations sont distinctes car elles ne répondent pas aux mêmes besoins. Elles sont complémentaires justement parce que nos sensibilités, formations et expériences sont diverses et ce dans l'intérêt des personnes accompagnées. C'est par ce regard croisé des différentes professions que nous pouvons nous enrichir de la diversité, au profit de l'ingénierie sociale dans le débat d'idées, l'objectivation, la créativité...
Cette mise en oeuvre des politiques sociales a des incidences directes et en premier lieu sur les personnes accompagnées. Nous, les professionnels devons retrouver notre militantisme et défendre les intérêts des personnes les plus démunies, fragilisées et précarisées.
2. Les personnes accompagnées
De nombreux parents pensent que les services de protection de l'Enfance comme l'Aide Sociale à l'Enfance, les services d'Actions Educatives en Milieu Ouvert... sont réservés à des parents rencontrant des difficultés majeures.
Certains parents qui rencontrent des difficultés dans l'éducation de leur(s) enfant(s), n'osent pas solliciter les services sociaux par peur que la situation leur échappe en aboutissant parfois jusqu'au placement de l'enfant.
Les difficultés rencontrées par les parents sont parfois mineures et ne nécessitent pas de solliciter les services sociaux ou un accompagnement sur le long terme.
Une attente trop longue de la prise en charge dans les services d'accompagnements éducatifs ou des personnes en situation de handicap, conduisant parfois à une dégradation de la situation.
Une offre de prise en charge en établissement, un accompagnement collectif, peuvent ne pas correspondre aux besoins de la personne.
Par peur ou appréhension, de parler, d'être stigmatisé, du regard des autres, une partie de la population ne fait jamais appel aux "services sociaux".
Par manque de temps, de moyens, l'accompagnement peut ne pas être individualisé et efficient.